Jean Villemin

Un jour un tailleur arménien rassembla quelques chutes de tissu et cousit une poupée. Deux bobines de bois pour les pieds, un petit reste de dentelle, un peu de crin de cheval, de grands yeux peints, Mayranouche était née. Elle ne reçut cependant ce nom de « petite mère » que lorsqu’une fillette câline le lui calligraphia dans le cou.

« Une nuit d’avril 1915, les grands bouleversements survinrent. » L’album quitte alors l’atmosphère du conte pour entrer, sans le dire, dans la tragédie du génocide arménien. Les sombres encres de l’auteur montrent avec délicatesse les destructions que taisent les mots ainsi que les silhouettes des charrettes où s’entassent les familles en fuite.

Dans la débâcle, Mayranouche a été abandonnée. Une autre fillette s’en empare au passage, mais la poupée devient source de querelle avec sa plus jeune sœur. Qu’à cela ne tienne, leur mère la découpe en deux pour la partager entre les deux enfants : une moitié sera Mayra, l’autre Nouche. Déchirement, pertes successives, que deviendra Mayranouche ?

Déjà dans son album Otto, Tomi Ungerer utilisait un ours en peluche pour dire aux grands enfants la violence et la déportation pendant la deuxième guerre mondiale. Pour Jean Villemin, la poupée Mayranouche symbolise l’arrachement et l’exil, mais aussi la résilience.

Elle suscitera chez les jeunes lecteurs beaucoup de sympathie pour son histoire et, certainement, de l’intérêt pour les événements de l’Histoire.

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